11 Mai 2016

Venus Express : son aérofreinage a préparé ExoMars 2016

En juin 2014, la sonde Venus Express a plongé dans l'atmosphère de la ''soeur jumelle'' de la Terre. En 2017, le satellite Trace Gas Orbiter fera de même dans l'atmosphère martienne. 3 questions à Sean Bruinsma, chercheur au service de géodésie spatiale du CNES, qui a proposé cette expérience avec une équipe londonienne.
Quel était l’objectif de ce plongeon ?

Sean Bruinsma : Notre objectif était de déterminer la densité de gaz entre 130 et 140 km à haute latitude proche du pôle Nord de Vénus en utilisant l'accéléromètre de la sonde. Des mesures in situ de la composition atmosphérique avaient déjà été réalisées à de telles altitudes au niveau de l'équateur par la sonde américaine Pioneer Venus entre 1978 et 1980, mais jamais à haute latitude.

Cette expérience était la plus risquée de la mission.

C'est pourquoi elle a été réalisée en dernier, quand  les réserves en carburant de la sonde étaient pratiquement épuisées. Du 20 mai au 24 juin 2014, Venus Express a progressivement diminué son altitude de survol de 200 à 130 km. Puis pendant 20 jours, elle n'a plus changé d'orbite, survolant une vingtaine de fois le pôle Nord avant de reprendre de l'altitude et être à court de carburant. 

Qu'avez-vous observé lors de ces survols ?

SB : L'atmosphère de Vénus est bien plus complexe qu'actuellement modélisée. Nous avons trouvé une densité de gaz 22 % plus faible que prévu à 130 km d'altitude et une température de -160°C contre -125°C prédite par un modèle. Mais surtout ces régions polaires sont dominées par des ondes atmosphériques, c'est-à-dire par des variations locales ondulatoires du gaz. Ces ondes existent aussi dans l’atmosphère terrestre. Cela ressemble aux ronds se formant sur l'eau quand on jette un caillou dans une mare. Les caméras de Venus Express avaient déjà observé des ondes atmosphériques dans les nuages de Vénus, mais à une altitude de 90 km. Aucun modèle n'existe encore pour expliquer leur présence à de plus hautes altitudes.

Représentation artistique de Venus Express traversant l'atmosphère résiduelle de la ''soeur jumelle'' de la Terre. Crédits : ESA - C. Carreau.

Venus Express avait une orbite très elliptique s'approchant au plus près de la 2e planète de notre système solaire au niveau de son pôle Nord. Crédits : ESA.

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Crédits : ESA - C. Carreau.
En quoi cette expérience a-t-elle servi d'exemple pour ExoMars 2016 ?

SB : Venus Express a réalisé la 1re expérience d'aérofreinage de l'Agence spatiale européenne ! La sonde a survécu sans encombre à cette descente. Le satellite n’a été ni affecté par une pression multipliée par 1 000 à 130 km d'altitude par rapport à 165 km, ni par une température qui a augmenté au niveau des panneaux solaires de 100°C en raison des frottements. 

Lorsqu'elle sera en orbite autour de Mars, la sonde Trace Gas Orbiter utilisera des manœuvres d'aérofreinage pour circulariser son orbite. Cette circularisation prendra entre 11 à 12 mois, mais évitera de consommer du carburant. TGO descendra jusqu'à 110-120 km d'altitude afin de frotter jusqu’au maximum acceptable. Ce sera l'occasion de récolter une quantité phénoménale de données sur la densité de la haute atmosphère martienne et, sans doute, d'y déceler des ondes atmosphériques !

En octobre 2016, la sonde Trace Gas Orbiter utilisera ses propulseurs pour ralentir et être capturée par la gravité de Mars. Son freinage atmosphérique aura lieu en 2017. Crédits : ESA/ATG medialab.

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Contact 

  • Sean Bruinsma : sean.bruinsma at cnes.fr