12 Juillet 2016

ExoMars, en quête de vie

Le véhicule ExoMars, qui doit se poser sur Mars en 2020, sera le 1er à forer aussi profondément dans le sous-sol pour y rechercher des traces de vie. Ce sera aussi le tout 1er véhicule martien de l’Europe, point d’orgue d’une mission russo-européenne éminemment complexe.

Une mission à l'européenne

Atterrir sur Mars reste une opération extrêmement délicate qui se solde parfois par un échec. L’ESA a déjà tenté sa chance en 2003, en larguant l’atterrisseur britannique Beagle 2 (1), et repart aujourd’hui à l’assaut de la planète rouge avec l’aide de l’agence spatiale russe Roscomos. Leur mission dénommée ExoMars se décompose en 2 volets. Le 1er, un orbiter et un démonstrateur d’atterrissage, atteindra Mars en octobre 2016. Tandis que l’orbiteur TGO (2) servira de relais de télécommunication et analysera l’atmosphère martienne – avec un intérêt tout particulier pour le méthane qui, sur Terre, est produit à 90 % par des êtres vivants – le démonstrateur d'atterrissage, Schiaparelli, se posera sur Mars. Ce dernier mettra alors à l’épreuve le bouclier thermique, le parachute et les moteurs-fusées à ergols liquides qui seront utilisés en 2020 par la plate-forme d’atterrissage et le véhicule du second volet de la mission. Le véhicule ExoMars aura alors un objectif ambitieux : rechercher des traces de vie !

(1) Atterrisseur de la mission Mars Express (ESA) qui s’est posé sur Mars le 25 décembre 2003 mais dont le contact a été perdu.
(2) Trace Gas Orbiter.

Une première pour les Européens ? Réponse de Michel Viso, responsable des programmes d'exobiologie au CNES. Crédits : CNES.

Un bouclier... en liège !

Avant de toucher le sol, Schiaparelli entrera dans l’atmosphère martienne à 20 000 km/h et supportera des températures de 1 850°C pendant plusieurs minutes. Autant dire que son bouclier doit être très résistant et évacuer la chaleur de façon très efficace. Pour cela, il a été recouvert de dizaines de tuiles à base de liège et de résine, qui ont déjà fait leur preuve sur certains missiles stratégiques.
Crédits photo : Airbus Defence and Space SAS 2014, A. Gilbert.

 

A la recherche du méthane… Regards croisés de Michel Viso, responsable des programmes d'exobiologie au CNES, et de Jorge Vargo, responsable scientifique de la mission ExoMars à l’ESA (Pays-Bas). Crédits : CNES.

Oxia Planum : terre d'argile

Pour chercher des traces de vie sur Mars, il faut trouver des traces d’eau liquide. Et pour trouver des traces d’eau à la surface de la planète, il existe 2 solutions : suivre le lit de fleuves asséchés ou bien rechercher des minéraux qui n’ont pu se former qu’en présence d’eau liquide. C’est justement cette dernière option que l’ESA a choisi pour ExoMars, son objectif étant de trouver un site d’atterrissage riche en argile pour avoir la certitude qu’il y ait eu un jour, à cet endroit, de l’eau liquide en abondance pendant plusieurs milliers d’années (3). Après un processus de sélection foisonnant et rigoureux, c’est finalement le site d’Oxia Planum, proposé par une équipe française (4), qui a été retenu. Les images et les données de l’instrument Omega ont apporté des informations essentielles pour la description de ce site. Il s’agit d’une vaste plaine entièrement tapissée d’argiles vieille de 4 milliards d’années. Autre caractéristique intéressante : la zone a été partiellement recouverte d’une coulée de lave, ce qui offre une chance supplémentaire aux molécules organiques potentiellement piégées dans ce mille-feuille sédimentaire d’avoir été conservées.

(3) Sur Terre, la vie a mis quelques centaines de millions d’années pour apparaitre.
(4) Université Lyon 1, CNRS/INSU - Université Paris-Sud/CNRS.

Oxia Planum, un site prometteur. Explication avec Cathy Quantin-Nataf, géologue et responsable du projet e-Mars (Université Lyon 1 / ENS). Crédits : CNES.

De l'argile, de l'eau... la vie

C’est en 2005 que le spectro-imageur français Omega, à bord de la sonde MarsExpress, met en évidence la présence d’argiles sur une vingtaine de sites martiens anciens. Les argiles ayant besoin d’eau et de temps pour se former, cette découverte apporte la preuve irréfutable que Mars a bien connu une période chaude et humide dans les premières centaines de millions d’années qui ont suivi sa formation, à savoir il y a 4,6 milliards d’années. Depuis, tous les engins, notamment le véhicule Curiosity, pointent leurs instruments vers ces minéraux.
Crédits : NASA/JPL-Caltech/MSSS.

 

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Les 8 sites potentiels d'atterrissage d'ExoMars. Crédits : ESA.

Sur cette carte, extraite du site « Where on Mars » de l’ESA, on peut voir les 8 sites d'atterrissage proposés pour la mission ExoMars 2018 : Mawrth Vallis, Oxia Planum, Coogoon Valles, Hypanis Vallis, Simud Vallis, Aram Dorsum et Southern Isidis. Tous sont situés entre 5°S et 25°N, là où le véhicule pourra bénéficier d’un ensoleillement maximum, et donc d’un apport d’énergie optimum.

La vie, à portée de forêt 

ExoMars n’est pas le plus gros des véhicules. Seulement 300 kg comparés aux 900 kg de Curiosity. Mais il possède une arme secrète : une foreuse qui peut prélever de petites carottes de sédiment jusqu’à 2 m de profondeur ! L’intérêt ? A cette profondeur, les éventuelles traces de vie emprisonnées dans l’argile – des microfossiles ou des molécules carbonées caractéristiques du vivant, comme les acides aminés – auront été protégées des ultraviolets et des rayons cosmiques qui martèlent la surface de Mars et les menacent de destruction. Le véhicule sera par ailleurs équipé de 9 instruments, deux d’entre eux ayant été conçu par des laboratoires français en collaboration avec le CNES : le radar WISDOM (5), qui détectera la présence de glace dans le sous-sol, et le spectromètre MicrOmega (6), qui offrira une photographie extrêmement fine de la composition minéralogique des échantillons récoltés. Les laboratoires français et le CNES ont également contribué aux instruments MOMA, RLS et CLUPI. ExoMars disposera de 180 jours pour explorer Oxia Planum et apporter la preuve, tant attendue, que Mars a bel et bien été habitée.

(5) Institut d'Astrophysique Spatiale (IAS).
(6) Laboratoire Atmosphères, Milieux, Observations Spatiales (LATMOS).

Record de profondeur

« ExoMars 2020 ouvrira un nouveau chapitre de l'exploration martienne. Pour la 1ere fois, nous examinerons le sol en profondeur. Jusqu'ici, les missions se contentaient d'analyser les 5 cm à la surface. Nous descendrons à 2 m », explique Jorge Vago, membre du projet ExoMars de l'ESA.

 

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Le véhicule ExoMars. Crédits : ESA.

Équipé de 6 roues, de panneaux solaires et de 26 kg d’instruments, le véhicule ExoMars poursuivra le travail de Spirit, d'Opportunity et de Curiosity en recherchant des traces d'une vie passée. Il fonctionnera et pourra se déplacer de façon autonome grâce à des caméras et un logiciel embarqué, dont les algorithmes de navigation ont été fournis par le Centre Spatial de Toulouse.

Curiosity et ExoMars, mêmes objectifs ? Réponse avec Michel Viso, responsable des programmes d'exobiologie au CNES. Crédits : CNES.